ACP Pratique et recherche N°13 – Revue francophone internationale de l'Approche centrée sur la personne

ACP Pratique et recherche N°13

ACP Pratique et recherche N°13

La thérapie centrée sur le client et les nombreux travaux de recherches de Carl Rogers dans le domaine des relations humaines ont peu à peu abouti à une approche touchant à l’être humain en société, à ses rapports aux autres (d’ailleurs intimement liés à son rapport à lui-même), dans des contextes personnels aussi bien que collectifs. C’est ainsi que la démarche s’est élargie pour s’appliquer également à des groupes : groupes de rencontre tout d’abord, espaces dans lesquels, grâce à l’apport d’une écoute centrée sur la personne garantie par des « facilitateurs » formés, peut se développer la rencontre, à soi comme aux autres ; groupes interculturels ensuite, en application des mêmes principes à des contextes plus vastes touchant à la diversité humaine ; groupes à but thérapeutique enfin, dont la pratique semble relever d’une évolution encore en cours. « Historiquement et du point de vue du contenu, on peut faire la preuve que c’est dans des groupes que l’ACP a développé sa théorie et sa pratique, même si ce n’est que dans un second temps qu’elle a été décrite pour le groupe. » (p. 14.)

Ainsi l’Approche centrée sur la personne, au-delà des cabinets des thérapeutes, a-t-elle des choses à dire, à apporter, au cœur même de nos sociétés. Elle est porteuse d’une vision qui « considère l’homme dans son potentiel, et non pas d’abord dans ses déficits » (p. 18). Cette affirmation n’est pas à confondre, comme c’est trop souvent le cas, avec une « confiance » (aveugle ?) en l’être humain. La « tendance actualisante » dont parle Rogers n’est pas cela : « cette tendance est opérationnelle à chaque instant dans tous les organismes » (p. 68), elle est une donnée universelle du vivant. Elle est un constat et ne relève pas d’une position philosophique. Elle est bien plus le point de départ d’une réflexion, d’une recherche sur le « comment », si loin des « pourquoi » trop limités dont nous avons tant l’habitude (p. 72). Cette recherche montre la nécessité pour l’être humain de progresser dans la conscience de soi, de se montrer digne de cette « capacité de focaliser une attention consciente [qui] semble être l’un des derniers développements de notre espèce » (p. 82) et d’avancer dans le développement de son potentiel.

Une telle route passe aussi, inévitablement, par la rencontre avec l’autre. À l’heure actuelle comme jamais peut-être, le domaine des relations interculturelles et notre manière de vivre nos différences culturelles et religieuses dessinent le visage de notre futur. Les défis sont nombreux, les réflexes de repli rapidement présents. Cependant l’expérience montre qu’« une grande partie des barrières apparentes à la communication

interculturelle est due à l’ignorance des différences culturelles plutôt qu’à un rejet de ces différences » (p. 38). Savoir donner de l’espace, laisser exister ce qui est, écouter, considérer est une grande force de l’Approche centrée sur la personne. Cela lui permet d’observer, sans a priori, sans idée toute faite, et de construire en relation au réel. Cela lui a valu d’être appliquée dans des lieux de fortes tensions, avec des résultats profonds bien que parfois dérangeants pour les responsables politiques : « ainsi l’expérience de Belfast montre que même dans des situations d’hostilité historique, mortelle et profonde, l’Approche centrée sur la personne a quelque chose à offrir » (p. 44).

Loin des idéologies, elle est à la fois un moyen et un espoir, elle qui nous met face au « paradoxe de la concordance nécessaire entre la personnalisation la plus assurée en elle-même et l’universalisation à laquelle chaque individu est désormais invité à apporter sa part pour la résolution de notre crise planétaire » (p. 63). La psychologie centrée sur la personne est encore à étoffer et demande à s’affirmer. La tâche est longue, inévitablement, et ne peut que se heurter à des égoïsmes de toute sorte, de la lâcheté à la recherche de pouvoir, dont nous savons tous quelque chose, intimement, pour peu que nous fassions preuve de suffisamment d’honnêteté avec nous-même. Cette psychologie est nouvelle, tournée vers ce qui pourrait être, non pas au prix d’efforts surhumains mais à celui d’une réconciliation avec un mouvement naturel et universel. Son apport potentiel à nos sociétés humaines est une mine qui reste à exploiter. Elle a cette particularité si simple et si précieuse de nous ramener à nous, encore et toujours : « ce sont des affirmations humaines, c’est le fait d’être humain qui brise les barrières et facilite la compréhension et la proximité» (p. 49).

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