ÉDITORIAUX ACP PR

ACP Pratique et recherche n°33

À l’heure où notre monde et nos sociétés humaines traversent une période de mutation et de profonds bouleversements, peut-être est-il temps d’oser rêver. D’oser imaginer quels pourraient être certains des fondements d’un potentiel monde de demain émergeant d’une évolution humaine constructive. Pour cela il est indispensable de remettre la considération de l’autre sur le devant de la scène et de la penser, ou la repenser, sous différentes facettes, tant une évolution positive de notre monde semble, pour exister, devoir passer par de multiples plans. Depuis des décennies, les psychothérapeutes ont accumulé beaucoup d’expérience dans le domaine de la relation humaine. Cela a mené nombre d’entre eux à des observations et à des réflexions qui, pour être fondamentales, nous mènent sur des chemins nouveaux, bousculant nos habitudes, faisant appel à des notions que notre langage même a de la peine à mettre en mots, tant ceux-ci semblent ne pas toujours exister. De ces...

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ACP Pratique et recherche n°32

« Chaque jour, des enfants naissent dans un pays en guerre. Ils naissent dans un monde où la violence, la destruction, la souffrance et la mort sont réalité. La guerre signifie toujours la peur, le deuil et le traumatisme, mais aussi l’expulsion, la fuite et la captivité. La guerre, c’est ne pas être certain d’être encore vivant le lendemain. Chaque jour, dans trop de pays sur terre, des enfants doivent assumer un quotidien qui leur apprend à survivre dans un monde de soldats, de chars et de bombes » (p. 7) ». Ces propos datent de 2020. L’auteur ne pouvait alors prévoir la situation que nous vivons aujourd’hui. Il parlait de notre monde, de nous humains qui ne pratiquons que de manière si peu fiable la paix, à l’extérieur comme à l’intérieur de soi. Il se souvenait en revanche que Rogers avait parlé, expérimenté et fait expérimenter des conditions pouvant mener sur un chemin...

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ACP Pratique et recherche n°31

Depuis des décennies, l'Approche centrée sur la personne tend, dans ses différentes applications, à fournir un cadre d'accompagnement à la croissance de soi et de son potentiel. Elle le fait au niveau des individus, engagés dans une démarche de connaissance de soi, et également au niveau des groupes, cet "espace pour vraiment découvrir le fonctionnement de l'interaction humaine et […] entrer courageusement en territoire inconnu" (p. 12). Les processus constructifs qu'elle permet de mettre en œuvre sont rendus possibles par une démarche non-directive respectueuse de chacun comme de la communauté humaine qui se crée au sein de toute collectivité. Ils se basent aussi sur une "vision holistique de l'être humain" qui implique que "la séparation entre corps et mental est obsolète, et [que] nous devons considérer la personne dans sa totalité organismique avec toutes ses dimensions (mentale, émotionnelle, physiologique et végétative)" (p. 81). Il s'agit d'une démarche aux antipodes du contrôle...

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ACP Pratique et recherche n°30

La recherche scientifique est intéressante, passionnante même. Comme tout domaine de la pensée humaine, elle n’est cependant pas indépendante de la culture et du mode de réflexion de son époque. Etudier le fonctionnement et le résultat de la psychothérapie pose ainsi la question de savoir ce qui est recherché, et pourquoi. Si on parle d’en « mesurer l’efficacité », de quoi s’agit-il ? Quelle vision, quelle conception sont en jeu ? Sont-elles les seules possibles ? Suivre un modèle médical revient à considérer les symptômes comme étant le critère d’étude par excellence. Cela présente le visage d’une certaine objectivité, rassurante. Bien des écoles thérapeutiques estiment cependant qu’« à côté des symptômes, il faut aussi utiliser les objectifs des clients, comme par exemple la valeur personnelle, une vie satisfaisante, la clarté intérieure, la capacité de vivre des relations ou la résilience » (p. 24). Une telle conception intègre des dimensions humaines, forcément subjectives, qu’il...

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ACP Pratique et recherche n°29

Cet éditorial est dédié à la mémoire de Peter F. Schmid, collègue et ami, décédé le 15 septembre 2020 des suites d'un accident de voiture. Peter Schmid était une des grandes figures internationales de l'Approche centrée sur la personne, un de ses fervents défenseurs, co-fondateur de l'association Mondiale WAPCEPC et de l'association européenne PCE Europe, auteur de nombreux livres et articles d'importance majeure qui ont contribué depuis plusieurs décennies à la compréhension et au développement de la thérapie centrée sur la personne.   Soignant et soigné, thérapeute et client, enseignant et élève, notre habitude et notre schéma de pensée sont ainsi constitués que nous voyons presque toujours de manière séparée les deux membres d'une relation. Nous parlons de relation, cependant nous avons de la peine à la considérer comme une chose en soi, qui se construirait sans cesse et serait donc en constant mouvement. De même avons-nous de la peine à penser...

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ACP Pratique et recherche n°28

Dans le domaine de la psychothérapie, la conception la plus répandue, chez les personnes qui viennent consulter comme chez les professionnels, est que le thérapeute se doit de posséder une connaissance extérieure, et supérieure. C’est sur cette base qu’ont été développés des outils de diagnostic et tout un vocable professionnel. Cette vision a un côté rassurant non négligeable, qui lui confère une puissante force d’attraction. Son inconvénient est de donner un rôle passif à « l’élément humain […], en niant l’aspect le plus essentiel de la personnalité » (p. 41). Est-ce le bon modèle ? En savons-nous assez sur ce qui soigne vraiment, dans le monde du psychisme, pour prendre pour acquis un tel point de départ ? N’y a-t-il pas là un piège, celui d’être pris dans ce travers très humain qu’est la volonté de maîtrise et de contrôle ? De participer ainsi au maintien d’un ordre établi et, au...

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ACP Pratique et recherche n°27

Face à ce qui nous échappe, que nous ne comprenons pas, souvent les mots nous manquent. La tentation est alors forte, et la tendance fréquente, de ramener cet inconnu à des références existantes. D'utiliser des mots, des concepts, au risque d'enfermer tant il nous est difficile de rester dans l'observation, le constat, la réalité telle qu'elle est. Accompagner des personnes en souffrance psychiques, dont le fonctionnement et le comportement ne correspondent as à nos normes et à nos habitudes, qui peuvent être susceptibles de «sauter d'un immeuble parce que des voix vous disent de le faire" (pp. 91-92) n'échappe à cette tendance. Ainsi l'expression «maladie mentale" a-t-elle été employée, en référence à la maladie physique. Mais est-elle seulement justifiée? Correspond-elle à une réalité des personnes? Et peut-on faire autrement que de l'utiliser? Le débat est loin d'être épuisé, et les arguments séduisants, entre ceux qui disent que, pour les personnes qui...

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ACP Pratique et recherche n°26

Depuis des décennies, la démarche centrée sur la personne est poursuivie par une certaine réputation d’idéaliste, de simpliste, d’insuffisante. Au niveau de la thérapie, son efficacité ne serait pas suffisamment démontrée scientifiquement pour pouvoir être inclue au sein des psychothérapies reconnues aux niveaux étatiques (le fait que Carl Rogers ait reçu deux prix prestigieux pour sa contribution à la recherche scientifique semblant occulté). Il est vrai que cette thérapie paraît bien éloignée des grandes nosographies telles que le DSM ; vrai également qu’elle manque de praticiens en milieu purement psychiatrique et qu’elle n’a ainsi que peu l’occasion de montrer son apport et sa valeur à ce niveau. Mais cela ne l’empêche pas de disposer d’un véritable bagage, tant théorique que pratique, bagage qui se fonde avant tout sur une observation des difficultés et des besoins de l’être humain, loin de tout présupposé ou de toute image toute faite. La principale caractéristique de...

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ACP Pratique et recherche n°25

Quelle est la place du psychologue et du psychothérapeute dans notre monde en pleine mutation ? La naissance de la psychologie, à la fin du XIXe siècle, s’est faite dans un environnement avant tout médical, à une époque où le domaine du social n’existait pas tel que nous le connaissons aujourd’hui. La profession s’est depuis développée à cheval entre ces deux grands domaines ; elle n’est pas purement médicale et ne relève pas vraiment non plus du social, tout en contenant un peu des deux. Cette dualité est régulièrement source de tensions, de difficultés de définition et de positionnement. Elle peut cependant être vue comme normale pour un domaine s’occupant d’individus à la fois en souffrance et membres de leur communauté humaine. Aussi simple qu’il soit, un tel constat n’est pour autant pas évident et comprend des implications bien souvent laissées de côté. Bon nombre de psychothérapeutes prennent en compte uniquement le fait...

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ACP Pratique et recherche n°24

Par essence, les processus humains et les questions existentielles auxquels sont confrontées les personnes suivant une psychothérapie concernent tout un chacun, et les thérapeutes n’y échappent pas. Pour autant, il n’est pas évident de le reconnaître et de toujours savoir comment prendre en compte cet état de fait. Si nous pouvons admettre, ou du moins envisager, que par exemple « beaucoup de notre temps se passe en production d’excuses, de défenses, de constructions d’images pour combattre nos propres réalités indésirables et celles des autres, et en création d’apparences que nous désirons voir devenir des réalités » (p. 44), saurons-nous en identifier les conséquences dans notre pratique ? La psychothérapie – et elle n’est de loin pas seule – est passée maître en matière de défenses. Le psychanalyste pourra invoquer la « résistance » d’un patient qui n’avance pas, le thérapeute centré sur la personne le « respect du libre choix » de son client. Ce peut être vrai....

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ACP Pratique et recherche n°23

La question de la différence, et des réactions qu’elle suscite en nous, est un des défis constants de notre vie et un des grands facteurs de conflit, ou à l’inverse de paix, suivant comment nous parvenons à y répondre. Bien que nous semblions être par nature fort curieux et désireux d’aller sans cesse de l’avant, attirés par de nouvelles découvertes, l’exploration de ces univers inconnus que représentent les autres, parfois proches, souvent lointains, n’a pour sa part rien d’une évidence. Bien souvent, « les différences sont automatiquement vues comme dangereuses et susceptibles de semer la discorde et ne sont par conséquent pas aisément sujettes à l’exploration et à la négociation » (p. 10), et notre réflexe premier consiste plus en un rejet qu’en une attitude d’ouverture. Il s’ensuit des réactions de contrôle, de prise de pouvoir, de mise à distance, dans lesquelles certaines de nos tendances les plus destructrices semblent trouver une...

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ACP Pratique et recherche n°22

La psychothérapie centrée sur la personne est-elle universelle ? Est-elle applicable dans un milieu psychiatrique par essence directif ? Ou dans des pays de culture musulmane où la profession est peu développée et où la référence au Coran fait partie du quotidien des personnes ? Les différences culturelles ou d’environnement professionnel laissent-elles de la place pour des praticiens centrés sur la personne ? Les réponses ne sont pas évidentes tant elles sont liées à des situations pratiques spécifiques. L’Approche centrée sur la personne est exercée en Turquie, par exemple, avec un certain succès. Elle suscite également un réel intérêt dans un pays comme la Chine. Mais, à part au Japon où elle s’est développée depuis des décennies et où existe une importante littérature, il est difficile de se faire une idée claire de la manière dont elle est appliquée dans des pays aux cultures si différentes. Et, par suite, il...

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