Face à ce qui nous échappe, que nous ne comprenons pas, souvent les mots nous manquent. La tentation est alors forte, et la tendance fréquente, de ramener cet inconnu à des références existantes. D’utiliser des mots, des concepts, au risque d’enfermer tant il nous est difficile de rester dans l’observation, le constat, la réalité telle qu’elle est. Accompagner des personnes en souffrance psychiques, dont le fonctionnement et le comportement ne correspondent as à nos normes et à nos habitudes, qui peuvent être susceptibles de «sauter d’un immeuble parce que des voix vous disent de le faire » (pp. 91-92) n’échappe à cette tendance. Ainsi l’expression «maladie mentale » a-t-elle été employée, en référence à la maladie physique. Mais est-elle seulement justifiée? Correspond-elle à une réalité des personnes? Et peut-on faire autrement que de l’utiliser?
Le débat est loin d’être épuisé, et les arguments séduisants, entre ceux qui disent que, pour les personnes qui en souffrent, « la maladie a besoin d’un nom, elle mérite d’avoir un mot [ e Carl Rogers ait reçu deux prix prestigieux pour sa contribution à la recherche scientifique semblant occulté). Il est vrai que cette thérapie paraît bien éloignée des grandes nosographies telles que le DSM ; vrai également qu’elle manque de praticiens en milieu purement psychiatrique et qu’elle n’a ainsi que peu l’occasion de montrer son apport et sa valeur à ce niveau. Mais cela ne l’empêche pas de disposer d’un véritable bagage, tant théorique que pratique, bagage qui se fonde avant tout sur une observation des difficultés et des besoins de l’être humain, loin de tout présupposé ou de toute image toute faite.
Jean-Marc Randin